MÉDIA ET ABDUCTIONS


L'INTERVIEW DE

STEPHANE ALLIX

 

Venu du monde du grand reportage -principalement en Afghanistan- pour se retrouver plongé dans l'étrange univers des abductions extraterrestres et de John Mack, Stéphane Allix s'est attelé à la tâche pour le moins difficile de livrer à la chaîne du câble “13e rue” un documentaire de 52 minutes sur les enlèvements extraterrestres intitulé “Enlevés” et qui sera diffusé le 13 juin 2005. Nous allons enfin avoir droit à un produit sobre, non sensationnaliste qui pourra attirer l'attention du plus grand nombre sur l'importance du phénomène des enlèvements extraterrestres. Il ne s'agit ni d'une vaste fumisterie, ni d'un fantasme issu d'un imaginaire collectif détraqué.

 

Bien que de plus en plus popularisé par des séries télévisées comme « Taken » (Spielberg) ou « X Files », les enlèvements extraterrestres, véritable phénomène social qui a pris aux Etats-Unis des proportions épidémiques, sont souvent cantonnés dans le ghetto conspirationniste ou paranormal. Une sorte de phénomène de foire qui suscite des moqueries et qui, pourtant, a soulevé un vif intérêt dans certains milieux de la recherche psychiatrique américaine. On a des difficultés, à priori, à comprendre pourquoi et comment un journaliste professionnel doté d'un pedigree solide s'est soudain focalisé sur un sujet aussi controversé qui va susciter le plus souvent un rire amusé et un cynisme de bon aloi auprès du commun des mortels. Jusqu'il y a peu, vous auriez plutôt trouvé Allix sur les routes de l'héroïne dans les zones tribales du Pakistan, dans les champs de pavots en Afghanistan, dans des bureaux de police anti-drogue ou dans les chambres miteuses de junkies russes (lire à ce sujet “Carnets afghans” Stéphane Allix, Robert Laffont, 1998). Les rapports entre la guerre en Afghanistan, le terrorisme, le trafic de drogue et les abductions semblent à première vue très ténus, si pas inexistants et pourtant, comme le fait remarquer l'intéressé, “ c'est quelque part la même chose ”. On se retrouve projeté dans des univers multiformes, quelque peu occultes, clos, faisant l'objet de manipulations et où les choses ne sont pas ce qu'elles semblent être. De même, que cela soit le monde des consommateurs de drogues ou de victimes d'abduction, il s'agit d'une incursion dans le domaine de l'exploration des états modifiés de la conscience. On peut donc dire qu'il y a des points communs dans l'émotionnel, le “hors frontière” et la possible manipulation.

 

Lors de l'entretien auquel il a accepté de participer non sans réticences légitimes (après tout, il ne nous connaît pas), Stéphane Allix souligne avec insistance le fait qu'il ne se présente absolument pas comme “un expert autorisé” dans ce genre de sujet, une sorte de professionnel comme pourrait l'être Marie-Thérèse de Brosses. “ J'ignore si je peux vraiment vous être utile. Ne comptez pas sur moi pour vous livrer mon opinion personnelle que je garde pour moi. Je ne peux vous en parler qu'en tant que journaliste, qu'en tant qu'observateur. Je tiens à conserver cette position ”. Tout comme il ajoute qu'il ne faut pas compter non plus sur lui pour parler des théories du complot qui gravitent autour du sujet : “ Je n'ai rien à dire là-dessus. J'ai voulu dans mon travail, bien faire la part des choses, ne pas mélanger les genres. D'ailleurs, cela m'énerve de donner corps à toutes ces interprétations sur les théories du complot. Cela ne m'intéresse absolument pas ”. Pour que les choses soient claires, Allix accepte avec prudence de nous livrer ses impressions dans la mesure où l'on demande au journaliste de nous dire ce qui l'a amené à s'intéresser aux abductions et ce qu'il a pu constater sur le terrain. De toute évidence, Allix n'est pas fasciné par le contenu, les détails des témoignages des abductés, la récolte des preuves potentielles de l'existence du phénomène mais bien plutôt par le fait qu'un très large nombre de victimes d'évènements traumatiques livrent, à bout de ressources, à des professionnels de la santé mentale des récits souvent similaires et ce, quelles que soient leurs origines nationales, sociales et culturelles. Il ne faut pas nier que c'est également la personnalité intègre et la compétence professionnelle de John Mack, un psychiatre américain de Harvard aujourd'hui décédé qui a attiré Allix.: “ Le fait qu'un homme de cette envergure doté d'un tel parcours académique et professionnel et qui n'a pas hésité à mettre en danger sa carrière m'a vraiment fasciné ”. Ce qui attire aussi l'attention de Stéphane Allix est le réflexe premier des gens de refuser parfois avec véhémence l'existence de ce genre de phénomène : “Ce refus est une chose qui m'intéresse vraiment… Pourtant, il y a dans notre monde un très grand nombre de ce que l'on appelle “des anomalies”… La science et l'étude de la mécanique quantique s'ouvrent à cela aujourd'hui et c'est fascinant” nous dit-il. Enfin et surtout, il y a la souffrance, le traumatisme profond de toutes ces victimes qui se passeraient bien de ce genre d'expériences et qui tentent de transcender leur trauma avec des moyens expérimentaux issus des travaux des thérapeutes. A ce titre, Allix calque ses motivations sur celles qui animèrent Mack : dépasser le côté sensationnaliste, ne pas se focaliser sur le travail un peu obsessionnel de la recherche de preuves matérielles pour préférer la fragilité de l'âme humaine et son incroyable sens de la survie et de l'adaptation lorsqu'elle est confrontée au traumatisme.

 

Une dernière remarque à propos du film d'Allix : il s'agit sans doute de la dernière apparition publique de John Mack puisqu'en plein tournage, le psychiatre décédait, victime d'un accident de voiture provoqué par un chauffard ivre. A cette époque, Mack avait changé de champ d'investigation, s'intéressant aux recherches sur les hypothèses de survie de la conscience mais conservait néanmoins un intérêt marqué pour les victimes d'enlèvements extraterrestres puisqu'il avait accepté de collaborer au projet d'Allix. Malheureusement, le décès de Mack allait empêcher au film de prendre toute l'ampleur qui avait été initialement décidée. Mais ce n'est sans doute que partie remise.

 

Pour ceux qui ne sont pas desservis par les chaînes à péage comme 13 ième rue, le film sera peut être projeté à l'occasion d'une séance unique aux Palais des Beaux-Arts de Bruxelles. Mais il ne s'agit encore que d'un projet que nous suivrons de près.

 

Ce qui a motivé Karmapolis dans cette interview est cette rare opportunité qui nous est offerte de pouvoir demander l'avis d'un “représentant” intègre des “mainstream” medias, d'un néophyte complet en ce domaine qui n'a pas encore eu l'esprit accoutumé et déformé à la longue par la fréquentation du petit monde des ufologues et des conspirationnistes. Nous avons voulu vous livrer le regard “vierge” d'un journaliste prudent qui n'a pas envie d'être victime de manipulations, d'intoxications. Un regard très prudent mais qui n'empêche pas l'intéressé d'être profondément optimiste et enthousiaste. Non pas que nous pourrions découvrir soudainement que les extraterrestres existent et nous veulent du bien mais plutôt que l'intérêt porté par des scientifiques sur le sujet des “enlevés” est significatif d'un intérêt de la science pour des domaines plus hors normes. Le fait justement que la science, surtout la science physique s'intéresse aux “anomalies” des particules quantiques, aux systèmes “chaotiques” mais aussi aux mystères de la conscience, des phénomènes de synchronicité montrent peut-être que nous ne sommes pas loin d'embrasser un nouveau paradigme. D'où l'optimisme du journaliste. Cette interview complètera à merveille l'entretien que nous a accordé Withley Strieber, sans doute la victime d'abductions la plus médiatisée et la plus controversée. On sera loin des profils plus discrets, timides et sobres des “clients” de John Mack. Voici donc de larges extraits de cet entretien informel que nous avons eu avec Stéphane Allix dans un salon de thé du centre de Bruxelles par un pluvieux samedi d'avril.

Karma One

 

 

L'interview  de Stéphane Allix 

par Karma One et Karmatoo

 

Karmapolis : Comment en êtes-vous venu à vous intéresser au phénomène des abductions extraterrestres ?

 

Stéphane Allix : C'est une progression lente, au fur et à mesure que j'ai découvert le phénomène. L'idée de départ était de faire une émission sur les “anomalies”, sur des expériences scientifiques en mécanique quantique, en astrophysique, tous ces domaines très réels et très concrets de la science qui remettent en question nos conceptions de la réalité. Ce à quoi nous donnent accès toutes ces dernières découvertes n'est en fait pas intégré dans notre réalité au quotidien, dans notre perception de la réalité. Ce sont des nouvelles conceptions des choses à propos de nos dépendances les uns par rapport aux autres et je trouvais cela assez fascinant. Moi, j'aime les frontières, j'aime ce qui remet en question ce que l'on croit être certain. Donc, j'ai commencé à m'intéresser à ces questions-là avec comme thème sous jacent, l'hypothèse d'une vie extraterrestre. Une accroche « grand public » et attrayante. J'ai pris parti, il y a 2 ans de cela, de tout acheter –tous les livres possibles- aussi bien dans le domaine scientifique que dans le domaine de la vie extraterrestre. Mais le phénomène Ovni, extraterrestre était au départ inexistant pour moi. Je n'avais aucun à priori. J'ai entrepris de lire tout ce qu'il y avait à lire en France : des choses les plus « rigolotes » comme “les extraterrestres m'ont expliqué l'Atlandide” à des livres comme ceux de PierreGuérin, ceux d'Aimé Michel ou celui de Peter Sturrock et à ma grand surprise, j'ai découvert que des gens extrêmement sérieux comme des astrophysiciens, des physiciens, des gens du rapport Cometa. Des gens donc sérieux existaient et auxquels, moi, en tant que journaliste d'investigation, je pouvais me raccrocher. Ceux-ci se sont donc penchés sur le phénomène sans à priori. On s'aperçoit alors qu'il y a un certain nombre de cas dont l'importance était notable et qui recevait une explication. Cela m'a fasciné. Au-delà de l'émotion, des préjugés, de tous les fantasmes, des gens sérieux travaillent manifestement sur un phénomène sérieux qui demande le plus d'enquêtes possibles…. Après quelques mois d'étude, je me trouve confronté à un phénomène fascinant, durable qui n'est pas une illusion ou qui ne se confond pas avec un aspect culturel causé par exemple par un manque de spiritualité dans notre société et une nouvelle façon de l'exprimer. Cela n'était pas du tout ça. Les abductions sont un phénomène réel qui soulève tant de questions. Il y avait lieu de se demander: « So what… ? Qu'est-ce qu'il y a derrière ces abductions ? ». Je lis de plus en plus. Il y a un an et demi, je découvre le livre de Marie Thérèse de Brosse. Mon premier réflexe a été de le déposer et de ne plus le lire. Mais je me force, je le lis et je découvre que c'est assez sérieux…

 

Karmapolis : Vous n'y croyez donc pas du tout au départ ?

 

Stéphane Allix : Oui, au départ, quand on me dit qu'il y a des hommes qui ont été enlevés par des petits êtres qui sont des extraterrestres, je ne peux pas accepter cela. Je me force donc à lire ces témoignages et ces livres. Je tombe ensuite sur Bud Hopkins mais surtout sur John Mack . John Mack m'attire plus. Bud Hopkins a certes 30 ans études et de recherches avec des enlevés, il a une expertise sur la durée mais c'est un artiste peintre. Dans mon esprit, cela reste un artiste qui étudie ce phénomène là. Mais avec John Mack, c'est plus sérieux. C'est un psychiatre, un prix Pulitzer, c'est quelqu'un qui a pris des risques professionnels considérables. Et cela m'a fort intrigué. En lisant son livre, je suis assez surpris par son approche clinique du phénomène et par les 13 cas au moins qui y sont détaillés. Je suis vraiment très intrigué. A ce moment là, je venais de faire à nouveau un reportage sur la drogue pour VSD et un peu dans l'expectative, je propose au rédacteur en chef de faire un portait de John Mack. A ma grande surprise, ce rédacteur qui me connaissait un peu de réputation se dit: «Tiens, il veut faire un reportage sur John Mack, c'est étrange » . Surtout, je lui présente ce psychiatre comme quelqu'un qui est loin d'être farfelu et cela l'intrigue aussi. Donc, me voilà parti 10 jours plus tard pour Boston afin de rencontrer John Mack ainsi qu'un certain nombre d'enlevés qui avaient été ses anciens patients. Je fais un premier papier dans VSD. John me semble être une des personnes les plus crédibles et les plus bouleversantes mais je le répète, c'est un choix personnel, subjectif. C'est également un point de vue d'écrivain car j'écris aussi un livre sur le sujet afin de partager cette nouvelle expérience de façon plus profonde. Au départ donc, je ne suis pas du tout familiarisé avec ce sujet des enlèvements, j'ignore en fait de quoi il s'agit. Je suis aujourd'hui convaincu qu'il s'agit d'un phénomène extérieur aux personnes elles-mêmes et non pas généré par une sorte de « jus de cerveau » ou je ne sais quel dérèglement pathologique quelconque. C'est aussi ce que John a exposé. Maintenant, de quoi s'agit-il vraiment, je n'en ai aucune idée. Est-ce qu'il s'agit vraiment d'extraterrestres, je n'en sais rien également. Mais la négation pure et simple, par principe, qu'il se passe quelque chose auprès de ces gens m'énerve. Je trouve même que c'est malhonnête intellectuellement parlant. Surtout avec des gens comme John Mack et la crédibilité personnelle et scientifique qu'il peut amener alors qu'il a pris le risque de se suicider professionnellement! Car cela a été le cas.

 

Karmapolis : Vous avez rencontré une ouverture d'esprit parmi les médias ?

 

Stéphane Allix : A titre personnel, oui parce que j'appliquais les mêmes méthodes d'enquête que celles que j'utilisais avant dans mes autres sujets, l'honnêteté intellectuelle mais aussi la rigueur. Par exemple, dans le trafic de drogue, il est très facile de balancer n'importe quelle accusation contre n'importe qui, surtout quand il est loin. Vous parlez de quelqu'un en Asie Centrale et vous l'accusez de faire partie de la mafia. Qui va aller vérifier, personne. C'est un travail qui demande beaucoup d'application. Vous pouvez annoncer tous les chiffres, tous les prix de la drogue sur le terrain ou dans les rues; vous pouvez vraiment dire n'importe quoi. Donc, cela m'a incité à creuser vraiment les choses. Mais la réaction des médias qui me connaissaient –que cela soit France 2 ou les éditeurs - a été toujours d'être très interloqués parce qu'ils me connaissaient. Je ne parlais pas d'une expérience vécue personnellement, je ne parlais pas de gens qui avaient effectué des recherches un peu fumeuse, je parlais d'un psychiatre de Harvard, fondateur du département psychiatrie de l'hôpital de Cambridge, prix Pulitzer, qui s'intéressait à cette question. Après 2 ou 3 ans de recherches, il a publié un ouvrage où il s'est dit: “ voilà, j'ai 40 ans d'expertise psychiatrique et soit, je crois en mon diagnostic, auquel cas, ces gens là décrivent quelque chose qui leur est réellement arrivé, soit je crois en ma vision plus classique du monde et en fait, je me mens !  "

 

Karmapolis : Depuis le moment où le livre de Marie Thérèse de Brosse est sorti, cela fait déjà un certain temps, et le moment où vous arrivez sur le terrain, c'est à dire, il n'y a pas très longtemps, est-ce que la situation a changé dans le monde des abductions, est-ce qu'il y a eu des informations radicalement nouvelles selon ce que vous en a dit John Mack ?

 

Stéphane Allix : Très honnêtement, s'il y a bien une chose dont je me suis méfié en entrant dans ce territoire là, ce sont les théories du complot, la paranoïa qui peut exister et le côté un peu X-Files du sujet. Cela m'énerve. J'ai tendance à rester extrêmement circonspect face à ces gens.

 

Karmapolis : Faites-vous la part des choses entre les victimes d'un trauma et le contexte des « théories des conspirations » qui sont souvent associées au phénomène parce que dans le récit de ces gens, il y a un part de “conspiration” comme par exemple, le fait que certains abductés soient victimes d'enlèvements impliquant des entités extraterrestres mais aussi des militaires ?

 

Stéphane Allix : Ce que je peux vous dire en ce qui concerne les gens que j'ai rencontré, c'est que ces gens-là ne m'ont jamais dit avoir fait l'objet de pressions de quelque sorte du gouvernement

 

Karmapolis : N'est-ce pas plutôt les enquêteurs qui font passer ce genre de message comme par exemple, David Jacobs, qui au contraire de Mack semble plus s'axer sur cet aspect conspirationniste du sujet ?

 

Stéphane Allix : Je n'ai pas rencontré Jacobs. Pour avoir discuté avec John Mack quant à la dangerosité de se pencher sur ce genre de sujet-là, John ne m'a pas parlé de dangerosité comme par exemple le fait que je pourrais faire l'objet de menaces ou de pressions de la part d'un organisme d'état quel qu'il soit. Il m'a parlé du danger d'être tourné en ridicule et à cet égard seulement, il m'a dit que« vous vous engagez dans un domaine qui est 10 fois plus dangereux que l'Afghanistan  ». Il ne me parlait pas des « Men in Black » ou de la CIA qui allaient me mettre sur écoute. Il me parlait du fait que je pouvais me “griller” sur un sujet un peu délicat, un peu tabou et mal considéré. Il me parlait en fait de la peur du ridicule.

 

Karmapolis : Dans certains récits des abductés, on retrouve justement l'intervention de militaires qui auraient participé avec les extraterrestres à des enlèvements –les Milabs (NDR: abréviation de “Military Laboratories”. Lire à ce sujet “Milabs Military Mind Control and Alien Abduction, Dr Helmut Lammer; I-Net Edition). En avez-vous déjà entendu parler ?

 

Stéphane Allix : J'ai lu cela dans pas mal de récits, effectivement, mais en ce qui concerne les gens avec qui j'ai travaillé, ils sont une dizaine maintenant, je n'ai jamais entendu ce genre de choses. Ce n'est pas que je ne veuille pas en parler mais vraiment, je n'en ai jamais entendu parlé.

 

Karmapolis : Est-ce dû au hasard ou est-ce John Mack qui travaille plutôt avec certains types d'abductés ?

 

Stéphane Allix : Je pense que les gens qui vivent ce genre de traumatisme ont chacun une façon personnelle de réagir à ce genre de mésaventures. Vous aurez des gens qui vont fonder un centre de “cristologie” et qui diront que seuls les cristaux peuvent aider. Vous aurez des gens qui, comme Bud Hopkins en a parlé, vont vouloir se tirer une balle dans la tête à cause de leur incapacité à partager le traumatisme dont ils furent la victime. C'est un événement traumatisant comme peut l'être un viol, une prise d'otage avec en plus, un choc culturel ou plutôt ce que Mack appelait un choc ontologique, un choc qui remet en question notre conception du réel. C'est vrai que par après, lorsque vous irez voir des gens pour recevoir de l'aide, vous verrez des gens qui correspondent plus à ce que vous avez vécu ou à ce que vous ressentez par rapport à ce phénomène là. Bud Hopkins s'adressera plus à des gens qui auront un rapport très conflictuel. John va peut-être recevoir des gens qui ont plus envie travailler sur l'intégration, de transformer cette expérience. C'est pour cela qu'en tant que journaliste, j'essaie vraiment de me tenir loin des interprétations parce que je me trouve toujours un peu mal à l'aise….

 

Quand vous avez des gens qui vous disent d'un côté que ce sont des êtres d'une autre dimension qui viennent pour vous aider et pour le bien de l'humanité et que de l'autre côté, vous avez un policier auxiliaire de 60 ans qui a envie de sortir son flingue quand un enlèvement commence et qu'il ne le peut pas et qu'il hurle de terreur, je ne peux croire ni aux uns, ni aux autres et cela avec la meilleure volonté du monde. Il y a donc des zones que j'évite parce que je n'ai pas les éléments pour travailler dessus.

 

Karmapolis : Et que pensez-vous du travail de recherche de Bud Hopkins sur les abductés et d'autres cas plus médiatisés comme celui de Withley Strieber ?

 

Stéphane Allix : Les cas que vous mettez en évidence, je ne les connais pas vraiment. Ce qui m'a vraiment interloqué en tant que journaliste “vierge” dans ce secteur là, ce ne sont pas vraiment les discours sur ce qui se passe lors des enlèvements. C'est plutôt l'émotion qui se dégage des personnes que j'ai physiquement devant moi. J'ai travaillé dans des domaines où je sens quand on me ballade, quand on me raconte des mensonges. Mon intuition, qui est un outil que j'ai appris à mettre en œuvre dans les investigations, cette intuition donc, m'a sauvé la vie dans certaines situations. Mais là, face aux enlevés, elle ne me prouve pas que la personne que j'ai en face de moi me raconte la vérité mais elle me donne au moins des indications sur le degré de confiance que l'on peut établir avec elle. Les enlevés avec lesquels j'ai travaillé sont des gens, pour certains, qui ont subi des tests psychiatriques et on sait que ce ne sont pas des malades mentaux. Je sais que ce qu'ils me racontent n'est pas un mensonge à leurs yeux. Ils le pensent sincèrement. Ils ne présentent aucune pathologie parce que ce sont des gens qui sont passés par le filtre de John Mack…. Je les ai vus à de nombreuses reprises, nous avons eu des échanges d'Emails fréquents et j'ai vraiment essayé d'explorer à fond leurs expériences. Quelqu'un me reprochait que, dans mon film, il n'y ait pas de victimes françaises. Malheureusement, je n'ai pas de structures pour accueillir un Français. C'est une chose sérieuse. Je sais qu'il y a des enlevés français car il y en a partout dans le monde. J'ai des cas qui m'attendent pour mon film en Amazonie. Un enquêteur ufologue français va peut-être se satisfaire du discours d'un type qui lui rapporte telle ou telle chose mais je ne vais pas m'en satisfaire du tout. J'essaye de mettre en place une structure psychiatrique d'accueil qui soit apte à valider la santé mentale de ces gens-là, leur profil. Il est hors de question que je valide le discours d'une personne si je ne suis pas certain de son état mental, ou s'il n'a pas passé une batterie de tests. J'essaie de trouver des médecins qui s'intéresseraient à ce secteur. D'ailleurs, j'en profite pour faire un appel. J'ai vraiment besoin de compétences solides parce que le phénomène me paraît justement très important. Attention, ce ne sont pas des preuves que je recherche. Je ne suis pas dans le domaine de la récolte de preuves comme le fait justement Bud Hopkins qui cherche des traces, des implants. Je laisse cela à d'autres. Moi, c'est la validité du témoignage qui m'intéresse comme John Mack l'a fait. C'est là qu'il a mis toute son énergie. Les témoignages sont des éléments importants : dans l'église, ce sont les témoignages qui ont validé des miracles et ont fait des Saints. Dans le système judiciaire, ce sont des témoignages qui ont conduit les gens à la chaise électrique ou à la prison à vie. Pourquoi deux gendarmes d'Eupen (NDR : localité de l'Est de la Belgique proche de la frontière allemande et qui fut le siège d'une vague d'apparition d'Ovnis très significative) qui ont vu un meurtre peuvent mener une personne en prison sur base de leurs témoignages et pourquoi, ces mêmes gendarmes qui diront avoir vu un triangle noir voler au dessus de leur tête ne seront pas pris au sérieux ? Je profite de toutes les occasions pour demander s'il y a des psychiatres qui seraient intéressés à créer une sorte de structure d'accueil. Je veux inciter des gens qui travaillent dans le domaine de la maladie mentale à s'intéresser à ce phénomène également. C'est ce que dit Bud Hopkins et d'autres chercheurs.

 

Karmapolis : Avez-vous déjà entendu parler du syndrome de personnalités multiples, notamment des personnes qui, sous le coup de traumatismes très violents, se dissocient et acquièrent des personnalités multiples ? Aux Etats-Unis, on a remarqué qu'il pouvait y avoir des points communs entre victimes d'abductions et victimes d'abus sexuels dans le cadre de rituels de type satanique et de lourds abus familiaux. Parfois, certaines personnes sont à la fois des abuctés et en même temps des personnalités multiples, victimes d'abus rituels ?

 

Stéphane Allix : Non, je n'en ai jamais entendu parlé. Vous savez, je découvre depuis deux ans des tas de choses, cela fait énormément d'informations. Ce que je découvre depuis deux ans donc, c'est une foule d'événements que l'on appelle des “anomalies” et qui sont aussi fascinantes les unes que les autres. Mais après, en tant que journaliste, il y a ce que je peux étudier et retraduire soit dans un livre, soit dans un film et malheureusement, les journées n'ont que 24h. Je dois faire un tri et mon degré de réceptivité reste limité. Il y a pleins d'autres choses que je laisse de côté volontairement mais qui m'intéressent à titre personnel. Comme par exemple, tout ce que les enlevés emportent dans les vaisseaux ou encore les projets d'hybridations et ce que cela peut vouloir dire. Dans un autre registre, il y a les Crop Circles (NDTR : Cercles dans les blés) ou l'affaire de Roswell. Tous ces sujets sont certainement dignes d'intérêts mais demandent un travail de fond que je n'ai absolument pas le temps de donner et plutôt que d'avoir une opinion dessus, je préfère ne pas m'exprimer.

 

Karmapolis : Selon vous, les américains et les européens ont-ils une façon différente de percevoir le problème des enlèvements ?

 

Stéphane Allix : Aux Etats-Unis, peut-être parce que j'étais à Harvard dans un milieu universitaire assez performant, j'ai été assez estomaqué et enthousiasmé de voir la liberté d'esprit et l'énergie qui a été mise dans l'étude de ces phénomènes-là alors qu'en France, pour ce que je connais, il y a encore une vraie paralysie et une vraie crainte du ridicule. Depuis deux ans, j'ai rencontré quelques personnes en France qui travaillent dans les milieux scientifiques et qui ne peuvent absolument pas rendre public leur intérêt pour ces domaines-là parce que leur carrière serait grillée. Encore une fois, ce n'est pas un complot. C'est juste qu'ils vont passer pour de guignols alors qu'aux Etats-Unis, je me souviens avoir déjeuné avec un chercheur de Philadelphie et de lui avoir demandé s'il connaissait le phénomène des abductions. Il m'a répondu par l'affirmative. Et j'ai demandé aussi à la serveuse si elle connaissait ce phénomène et elle le connaissait. Aux USA, c'est quelque chose de beaucoup plus répandu, cela fait partie de la culture populaire. C'est aussi un pays où l'on va explorer les sujets les plus inattendus.

 

Karmapolis : Est-ce que ce n'est pas justement parce que l'on en parle plus facilement aux Etats-Unis qu'on a l'impression qu'il y a plus d'abductions ? Ou bien, objectivement, il y en aurait plus aux USA qu'en Europe et dans le reste du monde ?

 

Stéphane Allix : Je n'en au aucune idée. Je sais qu'il existe des cas en Europe, en Turquie, en Inde, en Amazonie, dans des espaces culturels qui sont à des années lumières de l'espace culturel américain. Je constate aussi en parallèle que cela fait presque 30 ans que ce phénomène est étudié aux Etats-Unis et si vous vivez cette expérience là-bas, vous savez à quoi la raccrocher. Et puis, il y a des études qui sont faites, il y a talk shows, il y a le travail de John qui a fait faire un bond en avant terrible à ce phénomène il y a plus de 10 ans maintenant. Si vous vivez ce type d'expérience en France par exemple, il faut déjà faire un sacré chemin pour savoir à quoi la raccrocher, à qui vous adresser tandis qu'aux Etats-Unis… Ce que m'ont dit plusieurs enlevés avec qui j'ai travaillé, c'est que John Mack les avait aidés de façon phénoménale en leur montrant que ce qu'ils vivaient n'était pas unique et que d'autres personnes vivaient exactement la même chose, en leur faisant comprendre qu'ils n'étaient pas seuls. Il y a le cas de Sue qui est un cas qui termine mon film. Il s'agit d'une mère de famille de 56 ans qui vit des épisodes d'enlèvements depuis l'enfance. Son premier souvenir conscient d'un enlèvement remonte à ses 19 ans. C'est quelqu'un qui a les pieds sur terre, qui n'a au préalable lu absolument aucune littérature sur le sujet et qui est témoin des troubles qui arrivent dans sa famille puisqu'il y a paralysie lorsqu'on enlève d'autres personnes de sa famille. Ses deux fils sont également concernés par ces événements.

 

Karmapolis : C'est trans-générationnel ?

Stéphane Allix : Oui exactement. Sue a vécu dans une terreur absolue pour elle et sa famille. C'est une femme perdue. Elle sait qu'il lui arrive quelque chose. Elle sait que même si elle a l'impression de devenir folle, ce n'est pas seulement dans sa tête que les choses se passent. Ces fils, de temps en temps, lui disent:« Maman, on a fait un cauchemar…. » Cette mère est terrorisée. Elle ne sait pas quoi faire, elle ne peut pas en parler directement à ses enfants, elle ne peut pas leur mettre cela dans la tête. Et elle se dit: “ si jamais c'était moi, rien que moi  ? ”. Vous vous rendez compte de la situation dans laquelle elle se met ? Cela doit être atroce pour une mère. Je connais son mari et ses enfants. Aujourd'hui, ses enfants ont 30 ans. On a vraiment pu en parler à fond. Pour moi, Sue synthétise vraiment ce qui se passe. Ce n'est pas quelque chose qu'elle a créée dans sa tête, j'en suis vraiment convaincu maintenant. Mais elle a de tels doutes quand à la matérialité tangible de ces événements qu'elle ne veut pas mettre ces choses dans la tête de ses enfants. Pourtant, ses enfants lui racontent des choses et ont des terreurs qui sont parfaitement similaires à ce qu'elle peut vivre. Lorsqu'elle a découvert le livre de John en 1994, cela a été comme une explosion, une révélation. Elle s'apercevait enfin qu'elle n'était pas la seule à vivre ce genre de choses. Une minute après avoir fermé le livre, elle contactait John à Cambridge et une heure et demi après, c'était lui qui l'appelait. Cela a été une vraie délivrance thérapeutique pour elle de savoir qu'elle n'était pas seule. C'est le plus que John apporte, c'est une approche thérapeutique, une délivrance, montrer à ces gens là qu'ils ne sont plus seuls…. Enfin ! 

 

Karmapolis : Pensez-vous que le travail de John Mack puisse apporter quelque chose aux autres psychiatres ?

 

Stéphane Allix : Je pense qu'il offre une base de travail et de recherches académiques qui sont disponibles dans des revues et des magazines scientifiques. Cela donne une base de départ. Si un médecin reçoit le travail de John Mack entre ses mains, il peut y voir déjà une base de départ, des passerelles sur lesquelles il peut réfléchir. Est-ce qu'il faut aborder le sujet sur l'angle de la schizophrénie, de la paranoïa, du dédoublement de personnalité ? John répond à ces questions avec un discours très académique. Certains des abductés avec qui il a travaillé ont subi des batteries de tests standard qui sont connus dans la profession. J'espère que cela peut susciter des vocations quoi que… Car en fait, vous risquez quand même le ridicule. John, même avec son background et sa notoriété, a eu des problèmes considérables à Harvard après la publication « d'Abuction ». Cela a duré 14 mois pendant lesquels on lui a fait une sorte de chasse aux sorcières sur l'aspect thérapeutique et professionnel de son travail avec les enlevés. On a rien pu lui reprocher mais cela a quand même été plombant. Il y a certes un blocage énorme mais il a quand même réussi à poser une brique qui permet que les choses se poursuivent.

 

Karmapolis : A-t-il un successeur ?

 

Stéphane Allix : Je ne le pense pas. Il y a des gens qui ont travaillé avec lui et qui peuvent poursuivre ce qu'il a fait de façon plus discrète mais je ne vois personne de son importance. Au-delà des titres qui sont déjà assez impressionnants, c'est aussi l'homme, le personnage. Moi, il m'a vraiment impressionné par son honnêteté. Vous savez, quand vous rencontrez un honnête homme - j'en ai rencontré quelques uns- cela pose tout de suite, cela impressionne. Et ce que cette personne va délivrer comme information a encore plus d'importance car vous sentez que la vérité l'habite, qu'il y a une vérité intellectuelle dans sa démarche. Parfois, vous devez faire un choix entre vos convictions et la raison et on est bien peu à choisir nos convictions. Cela demande une certaine dose de courage et d'honnêteté. Et John, à 65 ans, a continué à suivre le fil de ce qu'il avait suivi toute sa vie, c'est à dire sa conviction. Et sa conviction, c'était qu'il se passait quelque chose d'important qu'il fallait étudier dans le phénomène des enlèvements. Cela demande non seulement des compétences -des compétences médicales précises- et il les avait à n'en pas douter mais aussi des compétences intellectuelles d'honnêteté qui elles, sont beaucoup plus rares. Ce sont déjà deux types de compétences qui ne sont pas faciles à trouver, à réunir en une seule personne.

 

Karmapolis : Avez-vous assisté à des séances de régressions par hypnose sur des abductés ?

 

Stéphane Allix : Pas directement mais j'ai vu des enregistrements soit audio, soit vidéo. Mais déjà en vidéo, c'est assez impressionnant.

 

Karmapolis : Certaines accusations sont portées à l'encontre de ces séances de régressions, lesquelles seraient en fait de faux souvenirs induits par les questions des thérapeutes, implantés dans la tête des patients par les psychiatres. Qu'en pensez-vous ?

 

Stéphane Allix : John Mack et Bud Hopkins m'en avaient parlé en insistant sur le fait que quand vous induisez quelque chose dans un témoignage, la personne vous suit dans la suggestion. C'est une espèce de rapport à deux. Ce que j'ai pu voir dans les régressions, c'est que dès que John ou Bud “induisaient” un détail pour créer une chausse-trappe, les gens sous hypnose reprenaient le thérapeute. Un exemple avec Bud Hopkins: quand une personne décrit être assise dans le vaisseau extraterrestre, il n'est jamais fait mention de pieds de chaise. C'est toujours des installations qui semblent épouser la forme du corps. Et lorsqu'on pose la question: “ le fauteuil sur lequel vous êtes assis, les pieds sont de quelles couleurs ? ” Si le thérapeute induit la réponse, le patient dira : « les pieds sont bleus ou verts » . Mais en fait, les gens reprennent le thérapeute parce qu'il n'y a pas de pieds à cette structure sur laquelle ils sont assis. Ils vont s'énerver à propos de détails qui ne sont pas dans leur description. Ces gens ont en réalité une idée très précise de ce qu'ils racontent, ils ont les détails dans la tête et ils ne se laissent pas embarquer dans les suggestions des thérapeutes. Et ce qui est troublant, au delà que cela se passe sous hypnose, ce sont toujours les mêmes détails qui reviennent comme par exemple l'apparence physique des êtres. Et quand on essaie de piéger les personnes enlevées par des “tricky questions” (NDTR: des questions pièges), le thérapeute est toujours repris.

 

Karmapolis : Justement, parlons des apparences. Comment expliquez-vous que la majorité des abductés perçoivent souvent le même genre d'entités extraterrestres, à savoir les Short Greys, les “petit Gris” ?

 

Stéphane Allix : Je n'en ai aucune idée. Je constate simplement que les gens décrivent la même chose, il y a le petit Gris qui revient assez souvent mais il y a aussi d'autres entités. C'est une figure qui fait partie de notre culture. La première représentation que l'on en aurait, paraît-il, remonterait à 1977 avec “Rencontre du 3 e type”. Mais pour faire ce scénario, le réalisateur s'est inspiré des récits des abductés de l'époque. Moi, ce qui m'a troublé dans le travail de John Mack et que j'ai envie de poursuivre, c'est que ces petits bonshommes sont décrits par des Indiens dans la forêt amazonienne, par les Zoulous au fin fond de l'Afrique du Sud, donc dans des contextes qui sont vraiment éloignés culturellement de chez nous. J'ai le cas dans le film de cet atterrissage au Zimbabwe en 1994. Vous avez deux objets argentés qui ont été observés par un groupe important d'enfants, volants au dessus de la cour de récréation puis ils se sont posés et des petits êtres sont sortis de ces objets. Une soixantaine d'enfants de cette école –une école post coloniale assez bien tenue – avec des enfants blancs et noirs. Les enfants sont arrivés en courant dans la salle des professeurs pour tout raconter. Il se trouve que John Mack était en Afrique du Sud à cette époque là et deux mois après l'incident, trouvant le phénomène plutôt important, il a engagé un cameraman pour filmer les entretiens qu'il aurait avec les enfants, les parents et les professeurs. J'ai utilisé certaines de ces archives dans le film. Des enfants ne peuvent pas inventer une histoire pareille. Leur récit était très cohérent. Lors de l'enquête, on leur avait fait dessiner ce qu'ils avaient vu dans des classes séparées en les isolant les un des autres. Quand vous voyez l'émotion que ces enfants là expriment lorsqu'ils racontent l'histoire… C'est impressionnant ! Il y a une similitude entre tous ces témoignages qui dépassent simplement le cadre culturel et qui donne envie de creuser ce genre de phénomène.

 

Karmapolis : Avez-vous vu des abductés se regrouper entre eux en associations d'entraide, un peu comme le font les alcooliques anonymes ou les victimes de tel ou tel phénomène? C'est plutôt courant aux Etats-Unis, non ?

 

Stéphane Allix : Encore une fois, je ne connais que les patients de Bud Hopkins et de John Mack qui se trouvent dans une zone assez réduite des Etats-Unis, dans l'Est du pays. Je les vois s'entraider, garder le contact mais de là à faire des associations, non, je ne pense pas. Ils sont proches les uns des autres mais il n'y a pas de réunions formelles et périodiques.

 

Karmapolis : Comment votre film a t'il été accueilli ?

 

Stéphane Allix : J'ai été assez surpris. Mon film reste très sobre. Je ne pars pas dans des interprétations, je me contente vraiment de rendre compte de cette première émotion. Je vis quelque chose qui n'est pas sensé exister, il y a des lumières, il y a cet objet volant, ces êtres mais je n'explique pas tout ce que les gens racontent. Il faudrait d'abord beaucoup plus de temps. Je donne surtout la parole aux enlevés Le film a été accueilli avec beaucoup de circonspections, il y a beaucoup de questions qui ont été soulevées parce que justement, je ne réponds pas à un certain genre de questions. Et puis, sur scène après la projection, il y avait un certain nombre d'enlevés, trois enlevés ainsi que l'épouse de Peter qui elle n'a pas été enlevée ainsi qu'un thérapeute qui a travaillé un peu avec John Mack et qui connaissait bien ses méthodes. Cela a permis que l'on ait une discussion avec le public qui a duré un peu plus d'une heure et je pense cela a troublé un petit peu. L'accueil a été très positif, il n'y a pas eu de hurlements, il n'y a pas eu de gens qui ont crié “comment peut-on montrer des bêtises pareilles”. Non, cela s'est bien passé. Moi, je me demande d'ailleurs comment j'aurais réagi.

 

Karmapolis : Et votre film sera diffusé quand et où ?

 

Stéphane Allix : Le 13 juin sur 13ème rue (NDR: chaîne française du câble et du satellite pour les Français et les Belges).

 

Karmapolis : Vous avez un deuxième projet plus vaste ?

 

Stéphane Allix : Le projet initial était un projet qui était beaucoup plus important avec des tournages dans différentes parties du monde pour montrer que le phénomène n'était pas localisé uniquement aux Etats-Unis mais ce projet a été contrarié par le décès de John Mack fin septembre (2004) qui était la figure centrale du documentaire. Suite à son décès, j'ai quand même voulu faire quelque chose dans la rapidité pour profiter de l'émotion et aussi parce que j'en avais gros sur le cœur. Ce décès m'avait affecté parce que j'avais beaucoup d'admiration et de respect pour lui. Donc, la chaîne productrice de départ n'a pas voulu poursuivre spontanément la suite du projet suite au décès. Donc, on a fait un film de 52 minutes pour 13 e rue qui a dit oui tout de suite. Mais je reviens à l'idée initiale de faire ce film. Seulement, cela reste difficile de faire ce film dans le climat actuel. John apportait la crédibilité. On est en train d'étudier avec mon producteur d'autres possibilités de faire ce film. Cela peut se déclencher très rapidement. Mais j'essaie aussi de traduire toute cette émotion, toute cette découverte fascinante que je fais depuis 2 ans et demi dans un livre que je suis en train de rédiger et qui ne sera pas une étude sur les Ovnis -encore une fois, il y a des gens qui sont 10 fois plus compétents que moi pour réaliser cela- et qui sera une plongée sur l'aspect émotionnel de cette question. Pour reprendre ce que disait un des thérapeute qui me disait: “pourquoi voudrait-on absolument que tout cela ne soit pas vrai, que tout cela ne soit pas possible”. C'est vrai, pourquoi toute cette réticence et cette énergie pour nier l'existence de ce phénomène ? Vous avez eu ici en Belgique un vague fameuse d'Ovnis dans les années 90 ? C'est fascinant quand vous avez 1500 personnes qui voient des choses étranges, quand vous avez le chef d'état-major de l'armée de l'air qui envoie des avions et les pilotes qui enregistrent ces objets sur leur radar. Il y a après un blocage parce que on ne veut pas voir le phénomène. Je trouve cela fascinant. Et cela rejoint mon envie initiale qui était un travail à base plus scientifique. Chaque époque a ses changements de paradigme et cela se fait parfois dans la violence. Comme disait Max Planck, les nouvelles vérités scientifiques ne triomphent pas parce qu'elles sont bonnes, elles triomphent parce que ceux qui sont contre finissent par mourir un jour. Je pense que l'on est vraiment dans un cas de figure très similaire avec cette question là aujourd'hui. Je ne suis pas en train de dire que les extraterrestres existent et que l'on n'y croit pas. Je suis en train de dire qu'il y a un phénomène qui nous dépasse auquel on n'a pas accès et sur lequel on n'a pas toutes les réponses et qui nous oblige à réexaminer notre manière d'interpréter le réel et à passer à une étape suivante de perception de la réalité. C'est un saut philosophique et scientifique. Je suis très optimiste. J'ai rencontré beaucoup de gens dans pleins de domaines qui vont de la psychiatrie à la physique des particules qui sont vraiment en train de travailler sur ce processus là, sur les anomalies. Même si de façon officielle, ils semblent très rebutés et prudents, ce n'est pas grave. Leur travaille touche d'une certaine manière cette révolution que l'on est en train de vivre et qui concerne le regard que nous portons sur le réel. C'est une démarche que je trouve résolument optimiste. Plus aux Etats-Unis parce que l'on avance plus vite là-bas. Je suis très enthousiaste et je crois que de notre vivant, on va vivre une révolution phénoménale.

 

Karmapolis : Nous vous remercions vivement pour cet entretien.

 

Entretien par Karma One et Karmatoo

© Karmapolis - Mai 2005

 

Source : Karmapolis