Phase 2


LA PSYCHIATRISATION DE LA SOCIÉTÉ


 CONSPIRATIONNISME ET PSYCHIATRIE

FONT-ILS BON MÉNAGE ?

 

Qu'est ce que le conspirationnisme ? Et pourquoi relier ce sujet avec le domaine de la psychiatrie. A moins que l'on ait d'emblée des sales préjugés à l'encontre de cette « médecine des âmes », il n'y aurait pas forcément de liens évidents. Et pourtant. L'histoire même de la psychiatrie et de la psychologie comportementaliste flirte étrangement avec des thèmes clés et fondateurs chéris par les théoriciens de la conspiration : les manipulations du comportement (Mind Control), le contrôle social, les drogues psychotropes, voire même la répression.


Un peu d'ordre d'abord, histoire d'avoir les idées claires sur ce qui va suivre, le programme en quelque sorte : la première partie de cet article sera consacrée à définir certes sur un ton polémique mais néanmoins fidèle à la réalité de ce qu'est le conspirationnisme mais également et surtout ses effets « piégeurs » sur la population. En se demandant même si l'information conspirationniste ne sert pas les desseins des manipulateurs, de ces fameux conspirateurs, hommes de grand pouvoir et autres éminences grises, sociétés secrètes et lobbys occultes si toutefois ceux-ci existent. Ce n'est qu'ensuite qu'on se plongera dans les racines « conspirationnistes » de la psychiatrie, sa grande et ses petites histoires, les mobiles de certains de ses créateurs et chercheurs pour conclure sur l'avenir qu'une société psychiatrisée nous laisse entrevoir...

 

Mais d'abord un premier constat : On s'est aperçu que la psychiatrie et dans une moindre mesure la psychanalyse et la psychologie tendaient à jouer un rôle de plus en plus important, normatif et parfois répressif dans le corps social, prenant la place dévolue autrefois à la religion, parfois même au système pénitentiaire. Avec les lois de protections sociales, on peut même dire que le code pénal a institué un mariage entre psychiatrie et système carcéral. Un petit rappel qui installera dans vos esprits le pouvoir d'un psychiatre : dans le cadre des lois de protection sociale, on ne juge pas et on ne condamne pas un individu considéré comme fou ou atteint d'un déséquilibre mental grave. Néanmoins, un déséquilibré qu'il ait commis un délit ou non peut être interné pour une durée indéfinie, peut-être à vie. C'est le seul mode d'enfermement à durée illimitée sans tribunal ni juges et pour lequel un homme seul au pouvoir exorbitant possède la clé de sortie : le psychiatre traitant ou désigné.

 

D'autre part, la psychiatrie et la biologie psychiatrique (la recherches de médicaments psychotropes) ont trouvé une alliance extrêmement rémunératrice et fertile en s'alliant avec les militaires pour pratiquer des recherches sur le comportement humain. Car en effet, à la suite des premières expériences mises en place par les nazis (sur des handicapés, des malades mentaux et des déportés), les militaires américains mirent en place avec froideur et cynisme pendant la guerre froide des structures de recherche qui formatèrent également le visage de la psychiatrie moderne. En fin de compte, ce genre d'alliances, de mariages éthiquement contre-nature tendent à conférer à la psychiatrie un rôle premier qu'elle ne prétendra pas avoir auprès de ses patients, donc du grand public : celui du contrôle social, de la normalisation des comportements et en ultime recours, de la répression. On est en droit de se poser alors la question de savoir s'il existe une conspiration à large échelle visant à conformer les êtres humains à un modèle précis de normalité et par conséquent de pathologie, de mal-être, un système à visées capitalistes puisqu'il est éminemment rentable. En termes plus prosaïques, « on vous affirme que vous êtes malades, on vous dit de quoi, on vous vend le remède et nous, on s'en met plein les poches ». Par la même occasion, vous n'avez plus envie ni besoin de contester puisque vous êtes malade et que l'on vous en donne la raison. Bref, est-ce que conspirationnisme et psychiatrie font bon ménage au point que l'on peut dire qu'il existe une psychiatrisation de la société ? Et enfin, les recherches en matière de psychiatrie et de sociologie n'ont-elles pas abouties à des modèles de manipulation de la société en vue de mieux la contrôler ? Voilà donc, dans le désordre les questions auxquelles nous nous efforcerons de répondre !

 

Les théories de la conspiration se popularisent

 

Et que constate t'on également : que l'opinion publique, lorsqu'elle est convaincue par les enquêtes des très rares journalistes et chercheurs qui avancent des explications de type « conspirationniste », cette opinion publique donc, a tendance à se regrouper, à s'organiser spontanément en groupes d'intérêts de citoyens indignés, de défense des victimes. Un réflexe que l'on qualifiera très rapidement de poujadiste, de populiste. Quant aux travaux et essais des journalistes conspirationnistes, ils seront tout aussi rapidement décriés, mis en pièces (comme dans les exemples cités supra). Le public subit alors un second choc en retour, un retour de manivelle qui le laisse encore plus perplexe, encore plus perdu, encore plus dénué de repères et complètement apathique et empli d'un sentiment d'impuissance. Un vrai cercle vicieux. Un état de chaos social généralisé sur lequel on a beaucoup théorisé comme nous le verrons plus loin… Il ne faut pas être un grand expert pour se dire que ce genre de climat profite tant aux psychiatres et qu'aux sectes et partis extrémistes ou nihilistes qui feront du conspirationnisme à leur manière.

 

Est-ce donc là le seul changement significatif en Europe ? Oui. Mais il est de taille. Alors qu'aux USA et en Angleterre, ce type de thème et d'analyse du monde est presque passé dans les mœurs, le grand public francophone se trouve confronté pour la première fois de manière répétée et surtout grâce à Internet à toutes les thèses conspirationnistes. Et donc, toujours pour la première fois, M. et Madame tout le monde, bien que profondément choqués, n'écartent plus d'un revers rapide de la main, des enquêtes ayant pour objet de montrer que le monde ne tourne pas de la façon dont on affirme qu'il tourne, que l'histoire de l'homme n'est peut être pas ce que l'on nous répète ad nauseam depuis notre premier biberon et que les hommes de pouvoir ne sont peut-être pas ce qu'ils sont. Mais alors, pourquoi tout soudainement ces révélations, pour quelles raisons, les thématiques conspirationnistes ont depuis peu le vent en poupe ? Pourquoi donne t-on de la place à des gens comme Meyssan, Michael Moore, voire même David Icke ? Comble de l'ironie, le conspirationnisme ne devient-t-il pas de gré ou de force, à son corps défendant ou non, un outil aux mains des manipulateurs, et ce, dans un but d'asservissement ? S'il faut croire certains théoriciens, psy et autres sociologues du genre Bzrezinski, Trist ou Lewin, la déstabilisation de la société, la mise en place d'une sorte de chaos social, de « bruit déstabilisant » continu est extrêmement profitable aux manipulateurs qui voudraient nous faire adhérer à un nouveau modèle, un nouvel ordre mondial. Nous verrons cela plus tard.

 

Le rôle de grandes entreprises et de certains réseaux d'influence

 

Mais quelques observations d'abord sur le conspirationnisme et pour ensuite se pencher sur les liens historiques que ce thème entretient avec la création de la psychiatrie moderne. Certes, la plupart d'entre vous que la parano secoue comme un breuvage aigre-doux ont une vague idée de ce que conspirationnisme veut dire. Sachez d'abord que c'est un néologisme, un terme fabriqué à partir d'une façon de pensée et d'un genre « journalistique » typiquement anglo-saxon. Car c'est bel et bien aux Etats-Unis et en Angleterre que l'idée s'est popularisée selon laquelle de vastes conspirations, -conspiracy theory- secouaient le monde. Que le réel tel que définit par les média, l'histoire, la science ou la religion ne serait qu'un vaste rideau de fumée destiné à camoufler les véritables propriétaires et enjeux du Pouvoir (le contrôle des masses, des croyances et des comportements). Cela fait une grosse décennie que cette thématique de la conspiration a été médiatisée par Hollywood, les séries de type X-Files, « L'homme de Nulle part », Millenium ; Taken, etc. familiarisant le spectateur moyen à certaines réalités pour le moins édifiantes. Mais le 11 septembre 2001 donna le coup de grâce, installant cette fois dans le réel les meilleurs scénarii « conspirationnistes ». Cette date devient alors l'événement le plus remarquable dans les anales des théories de la conspiration. A plus d'un titre. A titre d'exemple ; ma vieille mère, archétype du « spectateur lambda » pour laquelle les chansons de Jacques Brel et l'humour de Pierre Desproges étaient le comble de l'insolence et de la révolte contre l'ordre établi se rendait tout d'un coup compte « qu'on » ne lui disait pas toute la vérité et que même, il se pourrait que des hommes d'état à priori respectables (simplement parce qu'ils sont hommes d'état) mentent de façon tellement essentielle ! Et le plus incroyable est que ces mensonges portaient sur d'autres sujets que la fraude fiscale, les caisses noires des partis ou encore les liaisons adultérines. Car, que l'on mente sur les commanditaires de t'attentat du WTC, sur son modus operandi et sur les réels enjeux qui se profilent derrière cette guerre contre l'axe du mal, voilà qui devenait tout bonnement insupportable. Au niveau du grand public (et non pas au niveau de ceux qui sont déjà intéressés par le sujet), les derniers lambeaux de confiance que l'on plaçait dans les institutions militaires, les services secrets du monde libre se consumaient sous l'intensité de nos doutes. Tout devenait possible : les services secrets ou les amis de Georges Bush étaient copain copain avec des terroristes, on nous a même dit que l'affaire avait été préméditée pour installer un gouvernement quasi fasciste à la Maison blanche. Et très étrangement encore, surtout dans notre Europe francophone et pseudo rationnelle, la plupart des « mainstream media », des média institutionnalisés se mirent à relayer certaines de ces explications de type « conspirationnistes ». Comme le livre de Thierry Meyssan, qui bouleversa ma chère mère pendant plusieurs semaines, tant elle se trouvait dans un tel inconfort qu'elle n'avait plus aucune certitude ni de grilles d'analyse bien ordonnée pour interpréter les événements de l'actualité. Tout d'un coup, il n'y avait plus de bons ni de méchants. Mais rien que des méchants manipulés par d'autres méchants manipulés par d'autres méchants… Bref tout soudainement : plus d'innocents. C'était incroyable pour elle, pour Monsieur tout le monde, qu'on lui raconte que les avions ont été téléguidés vers les Twin Towers, que la CIA a pu être complice, que Bush et ses amis se sont livrés à des délits d'initiés en spéculant sur des valeurs boursières relatives aux compagnies aériennes et aux énergies peu avant l'attentat. Michael Moore, Eric Laurent ou encore le député allemand Von Bullow, on ne compte plus les auteurs et les livres mettant en évidence les agissements invraisemblablement néfastes du cartel militaro - industriel US, des multinationales, des fonds de pension et des banques. Et dans le prolongement de cette déferlante, des journalistes exhumèrent des cadavres plus rances, plus anciens encore comme la mort accidentelle ou volontaire de la Princesse de Galles, l'affaire Kennedy, les agissements de la CIA au Chili, l'uranium appauvri et j'en passe. Jamais on aura vu autant de documentaires ayant pour sujets les méfaits de la CIA ou de la politique américaine sur des chaînes généralistes. Voilà même que l'on évoque les Skull and Bones (une société secrète estudiantine pilier des hommes de pouvoir) pour encore mieux effrayer le badaud et lui démontrer -à juste titre- que la démocratie contemporaine est une farce et que la transparence n'existe pas. France 2 (ex Antenne 2) diffusa également dans la foulée à 22h30 un documentaire sur les OVNIS et « le grand secret américain ». Du jamais vu dans le paysage rationaliste francophone qui regroupe la France, la Belgique et la Suisse (moins le Canada qui est dans la sphère d'influence américaine). Bien entendu, la plupart des intellectuels frayant avec ce que l'on nomme admirablement ou stupidement « les milieux autorisés », ces intellectuels donc, tout en admettant qu'effectivement, il y avait un malaise, se mirent à ronronner dans un bel ensemble à propos de ces enquêtes, thèses et débats conspirationnistes, concluant sur le sujet que « ce genre de travail journalistique n'a qu'un seul but, faire parler de leurs auteurs.. Mais pour le reste, ce n'est pas du travail sérieux ». A ce jour, il est piquant de constater que ces mêmes intellectuels « autorisés » n'ont jamais fait de boulots de contre-enquête démontrant, faits et arguments à l'appui, le contraire des théories qu'ils se plaisent à décrier. La contradiction ne sera que rhétorique ou faisant appel à ce que l'on nomme trop aisément « le bon sens », le « sens commun ». Ainsi, tel éditorialiste d'Europe 1, se borna à affirmer qu'il n'y avait rien de crédible dans la thèse selon laquelle l'assassinat de JFK avait été commandité par plusieurs intérêts et personnages dont Lyndon Johnson, à l'époque vice-président. Bref, le commentateur décria l'information au motif qu'elle était extravagante et donc, qu'elle n'avait qu'un seul but : faire vendre du livre. Ou encore, ce présentateur d'Arte qui tança vertement l'ex-député allemand Von Bullow parce qu'il défendait une thèse comparable à celle de Thierry Meyssan sur l'affaire du 11 septembre. Que les seuls arguments dudit député sur une possible implication des services secrets américains dans le 11 septembre provenaient d'enquête de journalistes, ce que le journaliste d'ARTE « ne trouvait absolument pas sérieux car c'était se moquer du monde ». En peu de mots donc, l'attitude de la plupart des média « importants » consiste aujourd'hui à se faire le relais de certains thèmes conspirationnistes tout en se bornant à les démolir mais sans aucune enquête préalable ou travail d'investigation comparable à celui mis en œuvre par les auteurs conspirationnistes… Voilà donc peut-être ce que l'on fait de mieux pour accroître la paranoïa générale qui fait vibrer l'opinion publique.

 

Pour rentrer dans le vif du sujet, il convient tout d'abord de limiter les « prétentions » de cette 2ème partie de l'article. Il ne s'agit nullement ici de faire un travail épistémologique plus ou moins synthétique du conspirationnisme et de la psychiatrie et d'en cerner les tenants et aboutissants. Certes, le conspirationnisme contemporain connut sa première heure de gloire au cours du 20ème siècle avec certains penseurs, « philosophes », idéologues allemands qui construisirent la cosmogonie nazie (des protocoles des sages de Sion à la doctrine de Horbiger), raison pour laquelle les média estiment que le conspirationnisme sent le souffre puisqu'il plongerait ses racines dans les débats et dénonciations des journaux de propagande de Goebbels et la doctrine de Hitler. Mais on peut faire remonter la dénonciation d'une conspiration aussi bien aux temps de la réforme (complot jésuite contre complot maçonnique protestant) ou encore avant, avec les millénaristes ou encore avec les cathares (contre la conspiration du Vatican). En fait depuis que l'humanité communique avec le verbe et avec l'écrit. Non, le but de cet article est plutôt de montrer que derrière un thème fondamental et fondateur du conspirationnisme –celui du contrôle des pensées et donc des masses-, il y a une intention, une préméditation. Qu'il ne s'agit ici nullement d'une spéculation paranoïaque mais simplement de la mise en évidence d'une lecture de l'histoire de la psychiatrie moderne, discipline qui a reçu frauduleusement le statut de science exacte (alors qu'il s'agit à peine d'une science humaine) et qui s'est vue confier un rôle quasi religieux, voire même de contrôle des pensées mystiques et des religions. Il suffit de lire les déclarations des plus éminents représentants de l'école béhavioriste, de certains pontes de la sociologie, de la futurologie pour s'apercevoir clairement qu'il y a bel et bien conspiration en vue d'un contrôle de la pensée. Ces gens ne se sont même pas donné la peine de cacher leur conception totalitaire du monde.

 

Faisons donc maintenant un petit bond dans l'histoire de la psychiatrie, de la psychologie, de la philosophie, mais également dans le lourd passé de certains services secrets et lobbies.

 

Une constatation fondamentale : les grands capitaines d'industries, les grands banquiers alliés avec certains membres des services secrets ont toujours fait bon ménage avec des instituts de recherches de pointe en matière de psychiatrie, d'eugénisme, de biologie et de génie génétique. Ainsi, dès le début du 20ème siècle, les grandes dynasties capitalistes comme les Rockefeller, les Warburg ou les Harriman se trouvaient être les mécènes d'organismes fondamentaux en matière de santé mentale et de psychiatrie. Rockefeller et Warburg (grande famille de banquier allemand) financèrent par exemple le Kaiser Wilhem Institut for psychiatry, institution phare dans le développement de la psychiatrie moderne. De même, le Kaiser Wilhem Institute for Anthropology, eugenics and Human Heredity (qui deviendra l'un des piliers de la « science » raciale nazie) bénéficiera également des largesses des Rockefeller. En Angleterre et aux Etats-Unis, les financiers de la City (Londres) et de Wall Street, sous le couvert de leurs associations et confréries tels que la Round Table's Royal Institute for International Affairs (ou Chatham House) ou l'American Coucil for foreign relations, sortes de branche exécutive des tenants du « nouvel ordre mondial » seront les créateurs financiers d'organisations aussi importantes que la NIMH (National Institute for Mental Health, Angleterre) et la Tavistock Institute for Human Relations connue également sous l'étrange appellation de « Freud Hilton ».

 

Tavistock, le Hilton du Nouvel Ordre mondial ou le chaos social organisé

 

On peut sans exagérer affirmer que la Tavistock fut fondée par des membres des services secrets britanniques et américains comme le Major Rawling Reese. Dès les années 30, cette vénérable institution sera prise en main par Kurt Lewin, chercheur en psychologie de nationalité allemande et fondateur du célèbre NTL, National Training Laboratories, le centre de recherche en psychologie clinique de Harvard, crée en 1947 et temple du béhaviorisme (nota : de l'anglais behavour, comportement), de la psychologie comportementaliste. Reese et Lewin furent deux hommes clés de l'OSS, l'ancêtre de la CIA. Quant à ce cher Lewin, il est connu pour ses travaux en matière de manipulation du comportement des masses, des lavages de cerveau à large échelle obtenus « par des tortures et des traumas répétés… ». C'est lui qui est à l'origine de la théorie de la tabula rasa, de table rase selon laquelle si la terreur peut être induite à large échelle dans une société donnée, la société se réfère alors à une sorte d'état d'hébétude (« blank state »), une situation où « le contrôle peut facilement être obtenu à partir d'un point extérieur ». (cfr : Henri Victor Dicks « Fifty Years of the Tavistock Clinic », London, Routledge and Paul, 1970). Lewin affirme alors que la société pour être contrôlée au mieux doit être amenée vers un état d'esprit « infantile », immature équivalent « à celui de la situation de la petite enfance », sorte de « chaos social » qu'il a labellisé sous l'étrange appellation de « fluidité ». En 1963, Eric Trist, patron des administrateurs de l'institut Tavistock résout le problème de la même manière : «  l'administration d'une série de chocs traumatiques successifs sur une société a pour effet de la déstabiliser » et … de créer « des conditions permanentes de turbulence sociale » qui serviront à terme à générer « une société nouvelle, un nouveau paradigme de société, une nouvelle possibilité de façonner le visage de cette planète ». Fred Emery, autre chercheur et associé de Trist affine encore plus le raisonnement en décrivant les effets induits par ce chaos social engendré par des traumas : la société se segmente en groupes hostiles pendant que les institutions s'effondrent. Des groupes extrémistes voient le jour. Le chaos social le plus achevé est appelé « disassociation », état dans lequel l'individuel devient la société en elle-même et pour elle-même et est isolée des autres membres du groupe social. La culture dominante se fonde sur les superstitions et les fantasmes. Tandis que les seuls moyens de communications entre les êtres sont les média électroniques qui agissent comme des leurres et accentuent la séparation, la dissociation. Cela a été écrit en 1975 dans un livre « Future, we are in », époque ou le Web n'existait pas et l'informatique n'était qu'une ébauche. Effrayant non ? D'autant plus que c'est un avenir que ces gens ont souhaité et prédit.

 

Ce n'est pas un secret, ce genre de recherches est mentionné en toutes lettres dans les travaux de Lewin ou encore de Zbigniew Brzezinski, (ex conseiller à la sécurité de l'administration Carter). Les gens de Tavistock se sont alors consacrés pendant et après la seconde guerre mondiale aux recherches en matière de stratégies et de guerre psychologique, travaillant d'abord pour le compte de l'OSS puis de son successeur, la CIA. Tout aussi étonnant sont les généreux mécènes de ces travaux et de la Tavistock Institute : l'OMS (l'organisation mondiale de la santé), le ministère des affaires intérieures britanniques, la fondation Rockefeller, la fondation Ford, l'institut Carnegie. Et par le biais   d'un réseau complexe d'organisations sœur, la Tavistock est reliée à l'OMS, la Fédération Mondiale de Santé Mentale, l'Unesco et la Rand Corporation (cfr Dr John Coleman, Conspirator's Hierarchy). Un magnifique réseau d'influences qui a de toute évidence imprégné et inspiré le modèle de société dans lequel nous vivons (au détriment d'autres modèles plus humanistes et moins matérialistes). Henri Victor Dicks qui a consacré un livre fort bien documenté sur la Tavistock (voir supra « 50 years… ») met en évidence le rôle clé joué par cette institution dans l'invention « d'une psychiatrie sociale en tant que science politique » permettant des « techniques préventives d'intervention sur de larges échelle,… l'invention de nouvelles communautés thérapeutiques, l'invention de la culture psychiatrique…, l'invention d'une psychiatrie dirigeante et reconnue… » qui servira de modèle à toutes les thérapies. Les modèles prônés par Tavistock valorisent la sphère étatique et le collectif au détriment du bien-être individuel. Et pour en revenir au NTL, le National Training Lab, il faut savoir que la plupart des chefs d'entreprise les plus importants aux Etats-Unis sont passés par les programmes de formation et d'entraînement mis au point par le Lab, des programmes identiques à ceux employés pour la formation des officiers de l'US Navy ou encore des cadres du Département d'Etat et du ministère US de l'éducation. (lire à ce sujet l'étonnante enquête de Nexus sur Education 2000, le programme de formation du système éducatif américain, c'est édifiant)

 

Mais de quelle psychiatrie parlent en fait ces gens ? Et donc avec quel outil va t'on soigner tant les masses laborieuses que les destins individuels ? Celle d'une école de pensée essentielle de la psychiatrie moderne, les béhavioristes ou encore « comportementalistes ». L'un des fondateurs de l'école comportementaliste est Wilhem Maximilien Wundt (décédé en 1920). Il était titulaire de la chaire de psychologie à l'université d'Heidelberg. L'homme se déclare en plein matérialiste et se veut être le prolongement de la philosophie Hégélienne dans son secteur d'activité, un système philosophique et de conception du monde qui estime en gros que l'Etat est Tout et que l'individu n'est rien sans l'Etat. Le prolongement de ce genre conception philosophique matérialiste dans la psychologie comportementaliste est simple et fait froid dans le dos : l'homme est avant tout une chose (une cellule du corps social), un objet que l'on peut étudier « objectivement » comme n'importe quel phénomène soumis à la science. Pavlov est sans doute le chercheur le plus connu en matière de psychologie comportementaliste. Mais pas le plus intéressant. Citons par exemple Burrhus F. Skinner, héritier de Wundt, psychologue à Harvard à la fin des années 30 et qui a servi de « pont » entre les laboratoires de recherche universitaire et les services secrets. Wundt, ses collègues et ses successeurs avaient une approche essentiellement utilitariste de l'homme, considéré ni plus ni moins comme un objet, une machine qui réagit à des stimuli de façon contrôlée et conditionnée. Au bon stimulus, la bonne réponse. Entre stimulus et réponse, il n'y a pas d'âme, pas d'entité spirituelle mais plutôt une série de réactions électriques, magnétiques et neurochimiques que la science finira bien pas un jour quantifier et donc posséder. Ces mêmes chercheurs estiment par conséquent que l'homme n'est pas une créature spirituelle, mais doit être cliniquement considéré comme un animal. Le pire dans toute cette histoire est que ce sont ces gens qui accouchèrent des fondements des doctrines psychologiques et psychiatriques officielles. Ce sont eux qui créèrent les associations nationales et mondiales de santé mentale comme la NIMH (National Institue for Mental Health) et son pendant international regroupant les psychiatres diplômés et parés des avantages que confère une aura officielle.

 

L'homme sain créé par des statistiques

 

Ce sont ces mêmes cercles inspirés par l'Institut Tavistock qui rédigèrent les DSM III et IV (Manuel de statistique et de diagnostique des troubles mentaux), sorte de Bible, de Coran utilisé par les professionnels de la santé mentale pour séparer le bon grain de l'ivraie, le sain du malsain, l'être équilibré du dément. Grâce à ce manuel, l'homme moderne, s'il désire être considéré comme une entité « statistiquement » en bonne santé mentale épousera le canevas d'une sorte de morale sociale qui a pour but de niveler les comportements et de réprimer les sociopathes, les personnes qui auraient un comportement socialement inapte. L'homme sain se définit donc statistiquement à partir du corps social, de la société sur bases d'items, de critères prédéfinis. Dans cette vision de l'humain, la société est donc tout alors que l'individu n'est rien ou pas grand chose. Bien entendu, les psychiatres se défendront en toute bonne foi et avec véhémence d'appliquer de tels raisonnements dans leur pratique curative mais il faut savoir -que ces axiomes de départ 1) l'homme peut être étudié objectivement comme une mécanique et 2) l'homme n'est rien, l'état est le but suprême-, le nec plus ultra du matérialisme prôné par le philosophe Hegel ont nourri la pensée des générations fondatrices de la psychiatrie comportementaliste. -Et que toutes leurs théories et par conséquent leurs outils diagnostics se fondent sur pareilles idéologies à fortes consonances totalitaires. Pour mieux illustrer ce nivellement des extrêmes, ce besoin irrépressible de conformer l'individu à un modèle prédéfini moralement, il suffit de jeter un œil sur le DSM IV, le manuel dont les psychiatres que vous rencontrerez se serviront pour émettre un diagnostique à votre sujet. Il y est stipulé par exemple que tout les comportements mystiques, religieux, les pensées irrationnelles portées sur la métaphysique ne sont rien d'autres que des bouffées délirantes, des signes de déséquilibre mental assez sérieux. De quoi interner les ¾ de la planète si la psychiatrie se voyait ériger en une nouvelle religion inquisitrice, un nouveau dogme sans failles parce que se parant des atours de la science. C'est aussi là que le bât blesse : la psychiatrie moderne, parce qu'elle utilise l'observation clinique et l'outil de la statistique se présente comme une science, une science médicale, une presque science exacte alors qu'elle est une science humaine toujours vacillante (comme le sont la sociologie, la psychologie, l'anthropologie etc.) et surtout une idéologie. Une idéologie qui tend à supplanter tout sur son passage. Il n'y a qu'à voir actuellement les efforts mis en place en France, en Belgique mais aussi à un niveau internationale pour reprendre en main le secteur entier de la santé mentale puisque dorénavant, ce sont seuls les psychiatres et les psychologues diplômés qui pourront exercer avec un privilège de prescriptions en matière de santé mentale accordé pour des raisons financières aux médecins généralistes. Certes, il y avait lieu de mettre un terme à de nombreux abus de pseudo guérisseurs, gourous de sectes nocives (ou déclarées autoritairement comme telle par des commissions d'enquête parlementaire) et autres escrocs. Mais les modalités d'accès à la profession de thérapeute ont été décidées sans concertation par un lobby réduit et influencé par la psychiatrie comportementaliste et clinique. Il était hors de question de voir s'échapper nombre de patients potentiels de la compétence de la psychiatrie classique et de la médecine généraliste.

 

La dépression, une épidémie créée artificiellement ?

 

Attachons-nous maintenant aux remèdes préconisés par la psychiatrie moderne, remèdes qui consistent le plus souvent en une médicalisation du problème, à sa prise en charge par  des substances psychotropes. Et le pire dans tout cela est que les médicaments modernes de la psychiatrie se construisent et se justifient à priori comme étant des remèdes efficaces, scientifiques et adaptés grâce aux outils à connotations scientifiques de la statistique et de l'expérimentation clinique. Nous abordons un chapitre troublant et fondamentale de la psychiatrie et de la psychiatrisation de la société : comment les firmes pharmaceutiques ont-elles créés les médicaments psychotropes et comment, par un étrange concours de circonstances, une épidémie aux proportions mondiales affectant la santé mentale de l'homme occidental est-elle née ? J'entends la fameuse dépression nerveuse. Autre question sous-jacente des deux premières : existe t'il un lien matériel et historique entre les psychiatres, pharmacologues et autres équipes chargées de tester des drogues et les sombres arcanes des services secrets ? A cette question précise, je répondrai par l'affirmative sans hésiter et m'attarderai donc sur l'étrange histoire des opérations de la CIA Grillflame et MKUltra. Par la suite nous parlerons de la façon dont les équipes de recherches en santé mentale et les firmes pharmaceutique, dans le droit fil idéologique de MK ULTRA ont voulu répondre à la dépression –maladie quelque part créée de toutes pièces– par la camisole chimique.

 

Certaines opérations occultes de la science du comportement

 

Quelques mots d'abord sur cette tristement célèbre opération MKUltra. Nous sommes à la fin de la seconde guerre mondiale. Des agents de l'OSS (puis de la CIA) mirent sur pied une opération visant à exfiltrer des scientifiques allemands, des médecins, des psychiatres mais aussi des physiciens, des biologistes etc. qui pourraient leur servir dans le développement de leur arsenal militaire. La concurrence est rude car les Russes font également la même chose et il s'agit donc d'une belle quantité de sadiques et de criminels de guerre qui échapperont au procès de Nuremberg grâce à cette opération d'exfiltration prénommée Opération Paperclip. Dans le domaine de la psychiatrie, on fit venir aux USA une équipe de médecins et de spécialistes allemands qui avaient travaillé à Dachau dans le cadre d'expériences ayant pour objet la manipulation du comportement et la découverte d'un sérum de vérité. Sur la base de ce sombre héritage, la CIA structura intelligemment ses recherches en finançant des sortes de sous-traitants extérieurs et cloisonnés entre eux. C'est ainsi que de nombreux laboratoires de recherches universitaires ou appartenant à des firmes pharmaceutiques analysèrent tous les effets possibles de la plupart des drogues psychotropes, développant ainsi considérablement au bénéfice du secteur civil la connaissance des effets de presque toutes les drogues psychotropes imaginables. Des psychiatres, des psychologues cliniciens et des pharmacologues travaillèrent la plupart du temps en connaissance de cause pour la CIA ou pour l'armée et le Pentagone. On essaya du LSD, de la Mescaline, du BZ (incomparablement plus puissant que le LSD, on fabriqua même des obus de mortier avec cette drogue sous forme de spray), des neuroleptiques, des hypnotiques, des morphiniques, des amphétamines, de la psilocybine (champignons hallucinogènes), parfois sur des volontaires mal informés ou désinformés (certains militaires ou des toxicomanes en cure) et le plus souvent sur des civils sans leur consentement (patients dépressifs d'hôpitaux psychiatriques, prisonniers, étudiants, éléments subversifs, handicapés etc.). A cet égard, on peut dire que la CIA avait agi comme la digne héritière des méthodes nazies. De façon plus complexe et subtile, on peut même affirmer que la découverte des drogues par les milieux alternatifs estudiantins, et par la « nouvelle gauche » américaine à la fin des années 50 et au début des années 60 ne fut sans doute pas le fait du hasard mais bien un effet volontaire, prémédité ou non de ces expériences un peu folles menées par la CIA et le lobby psychiatrique universitaire. Les auteurs sont partagés à ce sujet mais des indices sérieux laissent penser qu'il s'agissait d'un effet recherché, à savoir l'intoxication de la jeunesse américaine afin de la décrédibiliser et de la distraire de la politique et de la contestation. En ce qui concerne l'héroïne et la cocaïne et leur irruption très soudaine dans les ghettos noirs des grandes villes américaines (après la guerre du Viêt-Nam et le scandale des Contras au Nicaragua ), le livre du professeur Alfred Mc Coy –la politique de l'héroïne, l'implication de la CIA dans le trafic des drogues– illustrent avec beaucoup de rigueur cet aspect du problème. Mais pour Mc Coy, il s'agissait avant toute chose de financer la guérilla anti-communiste en Indochine ou en Amérique du Sud. Que la jeunesse américaine et surtout les éléments indésirables et subversifs trinquent dans l'opération était un dommage collatéral non prémédité mais tout à fait opportun ! Il convenait donc pour les services secrets de ne pas se montrer trop collaborant avec la DEA dans la lutte contre le trafic de drogues. En ce qui concerne la genèse du mouvement psychédélique fondateur de la contre-culture de la drogue, d'autres auteurs sont plus radicaux : la popularisation du LSD et des drogues en général puis la justification d'une mise en place d'une répression violente et bien ciblée est un effet voulu, prémédité par les Think Tank de Washington et autres stratèges. A ce sujet Tim Scully, un chercheur de Berkeley (Université sise près de San Francisco) affirme « qu'il se pourrait que la CIA ait employé divers groupes de contre-cultures et sectes dans le but de répandre les hallucinogènes ». Martin Lee et Bruce Shlain, deux journalistes, ajoutent dans leur livre « LSD et CIA, quand l'Amérique était sous acide » « qu'en repensant à ce qui s'est passé pendant les années soixante, un nombre étonnant de vieux routiers de la contre-culture se dirent qu'il n'était pas du tout impossible que la CIA ait véritablement inondé les mouvements de jeunes d'acide (LSD) afin de limiter la portée de leur révolte ». « Le LSD rend les gens moins compétents » constate aussi William Burroughs, écrivain, grand junkie devant l'éternel et prosateur macabre de la défonce… « Facile de voir pourquoi ils veulent qu'on se défonce. En général, un petit coup de pouce suffit. Donnez-le en pâture aux média et l'affaire est dans le sac ». Même Ken Kesey pour qui le LSD est bénéfique n'élimine pas l'idée que la CIA a pu jouer un rôle dans le psychédélisme. Tout comme le Dr John Lilly, qui a travaillé en tant que chercheur pour la CIA sur le LSD et l'isolation sensorielle. Malheureusement, on ne connaîtra jamais le fond de cette affaire car le Dr Sidney Gottlieb, le chimiste et patron de l'opération MKUltra fit le ménage dans les archives opérationnelles de la CIA à cause de ce que l'intéressé appela prosaïquement « un problème de saturation de paperasse ». Mais quoi qu'il en soit, de nombreux psychiatres et psychologues furent mouillés de près ou de loin par ces sinistres opérations qui tendent à démontrer la fluctuation de leur éthique professionnelle au même titre que leur centre d'intérêt et leurs méthodes.

 

Les méthodes répétitives de l'industrie pharmaceutique et de la biologie psychiatrique

 

Rions ensuite un peu avec la jolie histoire du mode de fabrication des médicaments psychotropes soignant par exemple la dépression. C'est édifiant. Tout d'abord, les chercheurs découvrent un peu par hasard qu'une molécule –prenons l'exemple de la chlorpromazine– a un effet intéressant sur les patients schizophrènes. On étudiera par la suite des dérivés de cette molécule pour soigner les dépressifs. Les firmes pharmaceutiques vont donc se livrer à une longue série de tests pour valider ce médicament candidat. D'abord avec des animaux comme les rats ou les singes. Bien entendu, la schizophrénie est une maladie mentale, donc quelque part difficilement palpable, quantifiable comme le sont les maladies virales ou bactériennes. On n'est incapable de sélectionner un groupe de souris et de singes schizo ou de créer de toutes pièces cette maladie chez ces bébêtes. Comment alors tester un médicament ayant des effets sur la schizophrénie sur des animaux qui ne sont pas schizophrène au même titre que ne le seraient les hommes ? On va quand même se débrouiller en étudiant les effets observables de ladite molécule sur les rats ou les singes. Et on va faire des tests pour vérifier les effets toxiques, les effets croisés avec d'autres substances et voir les effets produits avec des substances antagonistes.On va surtout repérer à quel dosage la molécule de Chlorpromazine génère tel ou tel comportement spécifique lorsque le rat grimpe par exemple sur une corde. Si le comportement se répète de rat en rat à chaque expérience avec la corde, on estimera donc que l'expérience est un modèle prédictif (qui permet de prédire) et donc de tirer une information incontournable sur les effets de la molécule. Et le pire, c'est que si l'on observe les mêmes effets sur des rats dans la même expérience mais avec une autre molécule, on en déduira que cette molécule peut avoir des vertus curatives similaires que la Chlorpromazine. Bizarre méthode déductive, n'est-ce pas ? Voilà donc « une étrange machine qui fonctionne toute seule » (P.Pingage Comment la dépression est devenue une épidémie aux éditions de la découverte) dans laquelle on ne s'intéresse pas à la nature biologique de la maladie, à son essence mais plutôt aux effets du médicaments. La biologie psychiatrique ne se penchera jamais sur l'étude des causes de tel ou tel trouble mental mais sur l'effet des molécules sur les récepteurs biochimiques du cerveau. Mieux encore, lorsque le médicament candidat est testé sur l'homme, on assiste à un étrange renversement des valeurs. Lors de ces tests cliniques sur des groupes humains sélectionnés selon certains critères très précis, si le médicament échoue face à son concurrent placebo, ce n'est pas le médicament qui sera remis en cause mais bien la méthode de sélection du groupe de patients. Les firmes feront répéter les expérimentations jusqu'à ce qu'un groupe soit correctement sélectionné et réponde valablement aux tests. C'est à peine une caricature.

 

Et lorsque de nouvelles molécules neuroleptiques ou antidépresseurs sont présentées aux malades, elles sont dépeintes le plus souvent comme des panacées convenant au plus grand nombre. Les effets secondaires sont très mal mis en évidence dans la littérature informative distribuée au public et aux médecins. Pour mieux s'en convaincre, il n'y a qu'à lire tous les articles de presse qui sont parus au sujet des bavures à propos de la célèbre Fluoxétine (Ó Prozac) qui est présentée dans de nombreux ouvrages et de nombreux articles de presse comme une panacée convenant à tous. Certes, la Fluoxétine est une excellente molécule mais qui convient uniquement dans des cas spécifiques de dépression profonde. Son fabricant a du faire face à de nombreux procès à cause de cas de suicides, d'automutilation et pire encore, de meurtres en série aussi brutaux qu'inexplicables. Le cas typique de l'homme dépressif qui sous traitement de Fluoxétine prend un fusil d'assaut et fait irruption sur son lieu de travail, dans un fast food ou dans une administration et vide son chargeur sur des passants. La littérature conspirationniste s'est d'ailleurs cramponnée à ce genre d'affaire pour tenter de trouver des explications. En attendant, le fabriquant a été pendant des années le leader en termes de chiffres d'affaire sur le marché des antidépresseurs. 


Mais revenons à la conception de ces médicaments. Par ces ingénieux mécanismes, la biologie psychiatrique crée en quelque sorte le malade et le remède puisqu'elle le prédéfinit en y adaptant à chaque fois une molécule qui sera toujours un dérivé ou de la même famille que la précédente. La recherche affine donc ses substances mais ne remet jamais en question ses outils et les questions posées. Comme le dit si bien Philippe Pignare, la biologie psychiatrique, cette « petite biologie crée des mécanismes de répétition, elle vient nourrir l'épidémie de dépression. La petite biologie rend possibles l'émergence et la consolidation de nouveaux marchés en captant des problèmes définis comme étant auparavant psychologiques. Du point de vue du capitalisme et de son impératif d'un renouvellement permanent des moyens de production, les psychotropes représentent le secteur le plus moderne de la médecine parce qu'il n'a pas de fin ». Nous ajouterons aussi qu'il est le plus totalitaire.

 

La psychiatrie se protège et domine

 

Autre effet pervers du système : du fait que le psychiatre se voit le seul à être autorisé à prescrire des médicaments, il détient sur les autres psychothérapeutes (psychanalystes, psychologues, etc.) un pouvoir supplémentaire et définitif : il est le seul à avoir le droit de délivrer ce qui est perçu comme le remède matériel, concret, scientifique. Et par conséquent, sa discipline et son diagnostic auront quelque part le dernier mot et donc aussi l'ascendant sur les autres disciplines, les autres approches thérapeutiques. C'est aussi la meilleure façon de voir la psychiatrie s'enfermer sur elle-même, ne pas se remettre en question et perpétuer à l'infini son approche de l'humain. Il n'y a rien à faire, on peut dire que le système est à ce titre bien fait (ou mal fait selon l'approche) parce que bien protégé. Il ne peut être remis en question. D'où un pouvoir quasi surnaturel conféré à l'approche psychiatrique. Et donc, en toute logique, ce ne sera que la chimie, et l'industrie pharmaceutiques qui bouleverseront la psychiatrie car comme le dit Philippe Pignare…  « les antidépresseurs et l'industrie pharmaceutique représentent le pôle le plus actif de la psychiatrie. Toutes les nouveautés, toutes les inventions, toutes les attentes, tous les budgets finançant de nouvelles recherches viennent de la pharmacie… ».

 

Enfin, pour mieux comprendre encore comment ce système de la psychiatrie se perpétue, fonctionne et prospère, il convient également de mettre en évidence la façon dont les psychiatres traitent leurs patients : comme je l'ai mentionné plus haut, le psychiatre, surtout en début de carrière, ne s'intéresse pas vraiment aux récits de patient, au contenu de sa douleur mais s'attache plutôt à repérer dans ce récit les indices de diagnostique qui lui permettent de classer son patient, de nommer le mal dont il souffre. Par exemple, la dépression est repérée dans le sacro-saint manuel du DSM grâce à une liste d'environ 9 items du genre « tristesse excessive », « problème d'appétit », « problèmes de sommeil », etc. sur la base desquels le psychiatre va repérer puis en quelque sorte créer ou formater son patient dépressif qui en contrepartie s'identifiera à ce que son thérapeute a verbalisé comme diagnostic. Mieux encore, grâce à l'industrie pharmaceutique, on a popularisé au travers des articles de presse ces indices de dépression auxquels bon nombre peuvent se rallier, s'identifier. Le patient arrive alors avec une demande déjà organisée, un sentiment selon lequel il est dépressif. L'OMS a mis au point des programmes rapides de formation auprès des médecins généralistes afin qu'ils puissent « dépister » au mieux les déprimés et a mis à leur disposition des tests et des outils de diagnostiques très directifs qui permettent aux médecins d'interroger ses patients. Le succès a été foudroyant puisque 15% des patients déprimés passent par un psychiatre pour se voir accorder un traitement par antidépresseurs. De la sorte, la dépression est devenue une véritable épidémie qui a été induite par une propagande efficace et par des agents extérieurs dans le but de « formater » des personnes en mal de vivre dans un même moule, celui des items identifiant le « patient dépressif ». Une aubaine pour l'industrie pharmaceutique qui s'oriente ces derniers temps, comme toute industrie capitaliste vers une segmentation de son marché, une spécialisation, afin d'accroître encore sa « clientèle »... C'est ainsi que des antidépresseurs s'adressant à des personnes spécifiques vont voir le jour : telle firme nordique veut trouver une « niche » pour son médicament et oriente ses recherches vers la dépression masculine par opposition à la dépression féminine ; concept qu'elle va finir par structurer pour modeler la réalité et la cible visée (les hommes occidentaux) avec ce concept. Ou telle autre firme britannique parle de « troubles de l'anxiété sociale » pour des personnes atteintes de « phobies sociales ». Enfin le marché des pays en voie de développement n'est pas oublié puisque l'ethnopsychiatrie a quelque part pour but d'identifier des indices de dépression propres à des cultures étrangères puis de les conformer par similarité aux items de notre culture. Autre tendance lourde : il a été jugé plus efficace et surtout plus rentable de mettre sur pied des modèles de thérapies ambulatoires où l'on emporte sa camisole chimique à la maison plutôt que d'interner, d'enfermer. L'intention a l'air louable. Donc, lorsqu'en 1952, la biologie psychiatrique inventa les neuroleptiques antipsychotiques, on créa de ce fait une sorte de camisole chimique qui remplaça le bon vieil enfermement, trop coûteux.. Ensuite, avec la popularisation récente des antidépresseurs derniers cris, c'est une camisole chimique plus light, plus acceptable qui vit le jour et qui a tendance aujourd'hui à remplacer les thérapies classiques. Philippe Pignare précise avec une certaine véhémence : « avec les antidépresseurs, c'est au tour des psychothérapies d'être concurrencées, comme les techniques d'enfermement l'ont été par les neuroleptiques. La force des antidépresseurs n'est pas du tout liée à leur action sur une cause biologique qui aurait été enfin identifiée. Les antidépresseurs n'ont pas besoin de théories. Pour eux tout est bon ; ils sont en situation permanente d'avaler l'ensemble du champ des troubles psychologiques, ce qui les distingue des premiers psychotropes, les neuroleptiques dont l'action sur le corps était brutale et puissante ». La dépression devient « ce qui se guérit par antidépresseur » et rien d'autre. Le médicament devient roi, c'est lui qui identifie ce qu'est le malade et l'on s'en fout en fin de compte du vécu du patient, des causes individuelles, subjectives de son mal être. Voilà donc un système ou quelque part, les barreaux ou encore la prison, la camisole sont définis comme étant les remèdes pour se libérer. Etonnant non ?!

 

La peur rend intelligent ?

 

Reste à délimiter une forme de conclusion à cette longue série de constatations, une conclusion en peu de mots. Certes, cette énumération de faits ressemble plus à un réquisitoire à charge, un acte d'accusation à l'encontre d'une certaine conception de la psychiatrie, de la société et d'un mode de gouvernement. Le flirt entre la recherche, une partie de l'industrie pharmaceutique et les militaires est plus que suspect. Les modèles idéologiques des fondateurs de psychiatrie le sont tout autant et collent comme par hasard parfaitement aux désirs de contrôle des tenants du Nouvel Ordre Mondial. Tout n'est pas mauvais dans les techniques de santé mentale et il n'y a pas lieu de jeter l'enfant avec l'eau du bain. Mais il n'en demeure pas moins inquiétant que ce sont les aspects les plus malsains et les plus normatifs du problème, cette conception totalitaire de l'homme et de la psychiatrie qui ont pris l'ascendant. Plus révélateur encore est le fait que les prédictions et modèles sociaux chaotiques et dictatoriaux imaginés par les experts de l'Institut Tavistock au cours des années 60 et 70 se soient matérialisés avec une belle constance en ce début du 21ème siècle… Comme ils l'avaient prévu ! Comme si l'on s'était conformé à la lettre à un schéma, à un plan prémédité, à un « occult agenda » comme diraient nos amis conspirationnistes américains. Raison de plus de garder les yeux ouverts… plus que jamais afin de ne pas avaler toutes les couleuvres, toutes les croyances que l'on voudrait nous faire digérer en nos âmes et consciences… Une chose que ces théoriciens n'avaient peut-être pas prévu : la peur peut rendre intelligent !


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Source : Karmapolis